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Anectdotes

Quelques anecdotes tirées de la biographie de M. Adrien Veillon, guide de montagne (1892 - 1990), réalisé par son arrière petit-fils Vincent Veillon.
« Je suis né aux Plans, et j'y suis reste toute ma vie»
Le professeur Zahner
La classe du professeur Zahner en 1903 (Adrien au troisième rang, à l'extreme gauche).
«Le maître d'école, Zahner, une fois, il avait une vieille chaise qui craquait tout Ie temps. Cette chaise était bonne à ficher loin. Et puis, tout Ie temps Ie maître gesticulait parce qu'il était très nerveux. Ça fait qu'un jour, cette chaise s'écarte, lui tombe sur Ie derrière avec les pieds qui dépassait devant Ie pupitre. Ah ! la cIasse éclata de rire. Ça fait que lui, il a ouvert la fenêtre, il désarticulait ces chaises et les envoyait dehors Ie plus loin qu'il pouvait. Ah! quels rires on faisait, nous.»
Adrien et ses chèvres

« Mon père avait un cochon. Il lui avait attaché une clochette et le cochon le suivait partout. Papa allait soigner le bétail dans un pâturage, le Mazot du Feu, il est boise maintenant, le cochon allait toujours avec lui. Quand papa allait gouverner, le petit cochon était dans un boiton et dès qu’il entendait remuer les bretelles de la boille [les accroches du seau dans lequel on récoltait le lait], il sortait et il le suivait. Puis un dimanche, là-haut au chalet il y avait un petit parc couvert d’où le cochon allait dormir pendant que papa allait soigner les bêtes, mon père n'avait pas besoin d'aller travailler. Il monta alors dans un pâturage, où il y avait une place qu'il affectionnait, un replat d'où il voyait tout les Plans. Il y alla et se coucha. Au bout d'un moment passe un gendarme, un dénommé Lude qui avait congé un moment et qui lui a dit: «Venez avec moi en bas au café, on va partager trois décis». Ils ne sont pas revenus au chalet, ils ont coupe directement en bas a travers pré, jusqu'au café. Un moment après, le cochon grognait devant la porte. Il avait suivi les traces de papa.»

Le coq

«On a toujours eu des poules à la maison. Une fois, c'était une couvée qu'on avait fait venir du canton de Fribourg : des Plimouth Roch, elles étaient venues une couvée et puis la mère, tout ça dans une cage. Et puis dans cette couvée, il y avait quatre coqs ; ça fait qu'on les à élevés et engraissés. On en a gardé un. Le voisin, mon cousin César, il avait aussi des poules et puis Ie printemps, on les laissait courir avant que I'herbe pousse. A présent c'est défendu. Ca fait que lui, César, il avait un gros coq, une énorme affaire qui arrivait toujours vers nos poules et se battait avec notre coq. Seulement, Ie notre était trop jeune, if avait toujours Ie dessous. Ça fait qu'un jour, avant de Ie sortir, je lui ai fait manger du pain trempé dans du Kirsch. Y avait a rire lorsque I'autre coq est arrivé, ils ont commencé à se battre, I'autre a reçu une trifouillée, mais if avait encore plus peur des gueulées que poussait Ie nôtre. Il partait, ilfilait pour rentrer, Ie nôtre Ie retenait par les plumes de la queue. Depuis, il n 'est jamais revenu, ça a été fini. Y avait à rire (…)»

Les chamoniards

« Là-bas [à Chamonix] les chamoniards nous regardaient drôlement, parce qu'on allait là-bas avec deux clients [par guide]. Eux si il avait un client qui arrivait de Paris et qui voulait faire Ie Grepon, ils savaient pas qui c'était. Ils allaient à deux guides. Tandis que nous on allait avec deux clients. Alors on leur expliquait « Vous vous avez un client qui vient de Paris, vous Ie connaissez pas, vous étés obliges d'aller à deux. Parce que si il panique, vous devrez Ie porter. Tandis que nous, on vient à Chamonix avec des clients qu'on connaît, avec lesquels on a déjà fait du difficile dans les Alpes vaudoise. Et ils comprenaient »1 Parmi ces habitués, il est impossible de ne pas citer les demoiselles d'Adrien Veillon.
« J'avais deux demoiselles avec lesquelles j'ai fait des courses pendant 18 ans. C'étaient les plus grandes varappeuses que j'ai jamais connu, avec elles je suis allé aux Aiguilles de Chamonix, le Cervin, le Rothom de Zinal, le Weisshorn. Elles étaient courageuses, et d'un sang-froid extraordinaire. Je pouvais compter sur elles pour m'assurer dans les moments les plus graves. J'ai fait beaucoup de courses avec elles, ah des grimpeuses de premier ordre. Elles avaient commencé par ici dans les Alpes Vaudoises, et puis petit a petit elles avaient l'envie d'aller plus loin. Alors on est allé au Trient et puis ensuite à Chamonix. Et une fois, on était allé deux semaines aux Aiguilles de Chamonix, et les vacances arrivaient au bout, on était rentré par le Col du Tour à Trient. Arrivés à la cabane du Trient, elle était pleine. Le gardien m'a dit; « Je peux pas te loger, va à Omy». C'est ce qu'on a fait. Et la, il y avait un groupe de la section des Diablerets, en semaine clubistique. Et ils ont commencé a se moquer des mes deux femmes. C'était le début de l'alpinisme féminin, et puis on revenait de Chamonix, elles avaient des habits raccommodés, râpés, elles n'avaient pas bonne façon [rires]. Seulement les gars, ils avaient pas à qui ils avaient affaire. Ils leurs ont dis « Il y a quelque chose pour vous là-bas, le petit Clocher du Portalet ». Je leur ai dit on va se restaurer et puis on va aller voir. Quand j'ai vu ce machin ! Elles m'auraient dit on y renonce j'aurais accepté, mais elles ne l'ont pas dit ! J'ai taille trente mètres dans un couloir de glace, et puis pour arriver à la première prise on devait se faire la courte échelle. C'est comme si on montait à un arbre, pendant vingt mètre faut se tenir, c'est l'adhérence qui faisait. Et le vide de chaque côté, deux cent mètres à pic. Enfin ça a été. On a fait deux rappels de suite. Et nous sommes rentrés à la cabane l'atmosphère avait changé. Ils se moquaient plus de mes deux femmes. L'une d'elle l'aura dit: « Je peux vous y conduire si vous voulez ! »

Les parisiens

« J'avais fait avec une femme l'Aiguille du Peigne. C'est dur l'Aiguille du Peigne. Et puis il y avait un guide de Chamonix nommé Garni et son frère. Ils avaient un couple de Parisiens qui n'allaient pas bien entre parenthèse. Il m'a dit: « Tu n'as qu'a nous suivre. » Moi je n'avais jamais fait l'Aiguille du Peigne. J'avais déjà trouvé bizarre comme ils étaient encordés : lui, Garni, il était Ie premier, son frère Ie second, la dame la troisième et Ie monsieur qui allait Ie plus mal en dernier. C'était ce qu'on appelle dans notre langage, un sabot, il allait mal. Je n'ai pas compris pourquoi il ne s'était pas intercalé. Ca fait qu'a la descente, parce qu'on traverse l'Aiguille, on redescend I'autre versant, mais, il faut faire des rappels, il y a trois rappels de vingt mètres, on les a fait. C'était un dimanche, il y avait une quantité de Genevois, les grandes gueules, comme on les appelait. En montant la cheminée, parce qu'il y avait une cheminée de 120m, Ie client français qui était devant moi, avait une petite voix, il causait tout en haut, il était Ie dernier. Je lui poussais les pieds, on ne peut pas doubler, il y a pas moyen. Les Genevois me criaient : « Fous-y une cartouche de dynamite au derrière! » En descendant Ie Français m'a dit: «II faut rester sur la droite parce que les Genevois vont encore m'embêter » Je lui ai dit « J'aime mieux prendre Ie bon chemin. » On a pris Ie bon chemin. A un moment donné dans Ie couloir, il y a un névé très raide qui a peut-être une dizaine de mètres de large, mais, c'est de la glace. Le Français était descendu à droite. Ils étaient mal prit, ils ont voulu faire descendre la femme en premier mais, elle était complètement épuisée. Elle est arrivée en bas sur Ie névé, elle n'avait plus la force de réagir. Moi, j'était de I'autre cote du névé, j'ai dit a ma cliente de m’assurer, et je suis allé la chercher. J'ai taille, elle m'assurait de I'autre bord, je suis arrive jusque vers la Parisienne. Je I'ai désencordée, puis je I'ai mise a ma place à la corde et on la prise jusqu'en bas. Au Plan de l'Aiguille, Ie guide m'a dit: « Si tu ne I'avais pas fait, on aurait Me bon pour bivouaquer». On se rend service quoi ! La Parisienne n'en pouvait plus. On lui a donné une pastille de cola, c'est un fortifiant, c'est fantastique ce que c'est fortifiant en plus ça nourrit en même temps, c'est vous dire.

Les farces

« C'était l'époque aù il n'y avait pas encore d'électricité. Les seules lumières étaient les lampes à pétrole. Pour soigner Ie bétail, on avait des falots tempête (c.f :des «bouebs» au vachers) comme on disait. Et puis, il se faisait des farces à ce moment-Ià. Une fois j'y avais participé. On faisait des «encamps» comme on les appelait. On allait ramasser tout ce qui traînait vers les maisons et puis on en faisait un tas. On en avait fait un devant la chapelle. On avait même mis I'écriteau de la gendarmerie vaudoise. N'est-ce pas, tout Ie monde avait du bétail. Devant les écuries, il y avait les seillons à traire, la chaise à traire, une brouette, des fourches. On amenait tout ça vers la chapelle et ils étaient obligés de venir les chercher Ie lendemain. Le gendarme était aile rechercher son écriteau, mais il riait, il disait : « Oh ! On l'a eu fait autrefois! » Man père et son frère, ils étaient jeunes garçons, et une fois, ils avaient fait une farce. C'était à la petite maison qui servait de laiterie, tout Ie monde portait son lait ici. Celui qui était laitier, c'était un nommé Christeler, ils disaient Christelon. Et puis il était peureux, il n'osait pas sortir Ie soir. Ca fait qu'une fois, mes grands-parents avaient fait boucherie (parce qu'ici aux Plans, chaque ménage élevait un au deux porcs qu'on tuait l'automne et puis on fumait la viande dans la cheminée). Ils avaient mis de côté un seau de sang. Un soir, ils sont venus devant la maison du laitier. Mon père avait ce bidon de sang avec un linge dedans et puis son frère avait un fusil de chasse. Arrivés, ils appellent « Eh, Christ! », il répond « Qu'est-ce qu'il y a ? », Mon père : « Venez voir! ». Et puis il arrive à la fenêtre. Il est bas ce chalet, et la fenêtre était à deux mètres du sol. Au moment au il sort la tête, mon père Ie frappe avec Ie linge plein de sang et son frère tire un coup de fusil en I'air. L'autre de peur est tombé dans la chambre. Et puis sa femme à allume: «Eh mon Dieu ! Ils m'on tue mon Christ!» qu'elle disait. Il était tout ensanglante ! Aujourd'hui on irait en prison si on faisait des farces pareilles. Une autre fois, on faisait des traînes, c'est-à-dire qu'on rejoignait deux endroits, deux maisons avec une trace de sciure, quand on savait qu'un garçon courait après une fille. Et puis on faisait des traînes entre des gens qui se détestaient. Une fois, à la Venéresse, ils en avaient fait une au nommé Bernard, on y disait Matthieu, c'était son sobriquet. Il ne pouvait pas se sentir avec la mère à Pau Buty, elle, c'était une darbiste, elle était spéciale. Ces deux ne pouvaient pas se sentir et n'étaient pas loin l'un de l'autre. Mais le lendemain, elle insultait tout ceux qu'elle rencontrait. Elle les mettait tous dans le même sac; quelle colère elle en avait ! On faisait des farces, il n'y avait pas de télévision, pas de cabaret, en ce temps-là, c'était pour se distraire.»

M. de Kalbermatten

M. de Kalbermatten
« Il avait quatorze, quinze ans, mal élevé. Je rentrais du Valais, j'attendais dans la poste pour aller prendre mon billet pour le car. Le vestibule était plein. Arrive un gamin, il commence à fourrer des coudes pour arriver vers Ie guichet. A cote de moi, il y avait une dame qui voulait poster deux paquets. Les paquets sont tombés par terre. Moi, j'ai empoigné le gamin par la nuque, je lui ai dit : «Je vais t'apprendre la politesse, moi ». Je l'ai pousse vers la porte et je lui ai envoie un coup de pied au derrière avec mes souliers Triconni, je crois que je n'ai jamais donné un coup de pied pareil dans ma vie. Celui qui était au guichet m'a dit:« Si vous ne l'aviez pas fait, c'est moi qui le faisait. » J'ai demandé qui c'était. On m'a dit: « Oh ! » C’est un de Kalbermatten.

Un hiver, il était venu voir une coupe de bois avec son père. Il y avait une bonne piste, une piste a luge. Mais ce gamin, avait des souliers qu'on n'aurait pas toléré aux nôtres, il n'y avait plus de talon, plus rien, il marchait sur les contreforts. Le forestier n'a pas voulu le laisser descendre tout seul, c'est lui qui conduisait la luge. C'est cette fois là qu'on s'était vu, on avait dîné ensemble, on avait nos provisions, mais eux son père et le gamin, ils avaient un oeuf cuit pour les deux qu'ils se sont partage et a boire, ils avaient une topette de thé d'un décilitre. La dame, sa mère, c'était la terreur des magasins de Bex, elle faisait tout déballer et elle n'achetait rien, des radins ... Mais depuis qu'il était a la retraite, il avait changé. D'abord, j'avais été chez lui au Château Feuillet, on entrait par la cour qui donne contre la chapelle libre. Il avait ses ruches dans la cour le long du chemin, il y en avait 5 ou 6. Quand on eut fini de régler, il m'a dit: « On va aller donner un coup d'oeil a mes ruches ». Il n'était pas apiculteur pour deux sous, il sortait ses cadres brusquement. II disait : « Ca bouffe tout Ie temps, on a jamais rien de provisions» C'est sur, il était râteau ! Au bout d'un moment, il se tourne contre Il entrée, il voit un type et il dit: « Merci, merci bien!» Moi, j'ai regardé, j'ai vu ce type, je l'ai reconnu mais je n'ai pas dit qui c'était. Il m'a dit: «Vous voyez, il est venu pisser dans mon jardin, c'est pour ça que je lui dis merci», C'était un ouvrier a Bolat. Ca m'a bien fait rire.»

La consoude

« Au moment où Ie vétérinaire faisait les vaccins pour la TBG, j'avais du bétail en haut sur la colline. Un des premiers jours, en sortant, une des génisses se fait une entorse au pied gauche derriere. Le pied avait enflé. Le vétérinaire arrive pour faire la piqûre et dit: « Elle a une entorse, il faut lui faire des compresses d'acétate d'aluminium ». Il y avait un dépôt de pharmacie au magasin. II n'y avait pas d'acétate. J'ai été alors cueillir une racine de consoude bien hachée. Je lui fais cette compresse, elle n'a pas bougé. Le lendemain quand j'ai enlevé la compresse, j'avais attaché un coin à une ficelle et je lui ai arraché. Je lui ai refait une compresse, une Ie soir, une Ie surlendemain. Le troisième jour, Ie vétérinaire est venu pour contrôler la piqûre. Il m'a dit que la génisse était guérie et m'a demandé si j'avais fait comme il m'avait recommandé. J'ai dit oui. Mais j'ai regretté tout de suite après, j'ai été un imbécile, j'aurais dû lui dire la vérité. Ca aurait été peut-être bon pour lui. Avec lui, il y avait l'inspecteur du bétail, Isaac Fontannaz, il n'a rien dit, mais il se méfiait de ce que j'avais dit, il connaissait la consoude. C'est une plante qui aime bien l'humidité, qui grimpe facilement en une année, les racines deviennent comme les bras. D'après les pharmaciens, on peut servir les feuilles aussi, elles sont d'un vert sombre et les fleurs bleues. Nous, on prend la racine. On enlève l'emplâtre, il faut arracher parce que ça colle. Oh, ça fait du bien! Je l'ai servie combien de fois ! Burgat, celui qui a le plus beau chalet, une fois, il s'était serré un pied entre deux billons en les mesurant. C'était Ie docteur qui Ie soignait. Il lui avait donné une pommade, je lui avais alors dit: « Vous devriez faire une compresse de consoude », et je lui en ai préparé une. Il est reparti à la Praz. Deux jours plus tard, il m'a écrit pour m'en demander en me disant que la consoude avait fait plus de bien que la pommade !»

La luge et le pasteur

« C'était un grand gaillard le pasteur Landriset; il était hautain, noble. On l'aimait pas beaucoup, mais c'était un bon orateur; et puis on allait au catéchisme à Frenières, un après-midi, sauf erreur le mercredi. Un jour, c'était en hiver, il était monté voir la classe, parce qu'il faisait partie de la commission scolaire et il a demande à l'instituteur: « Je peux descendre en luge avec l'un des élèves qui va au catéchisme? ». Il a dit oui, ce qui fait que c'est sur moi que c'est tombé. Il était derrière moi. Il avait des terriblement grandes jambes, elles passaient devant moi et m'empêchaient un peu de conduire. En arrivant en bas, au contour où on sort de la forêt, où ont voit la scierie, là en dessus de Frenières, j'ai fait exprès, j'ai versé. On allait vite. Il a traîné, assis, au moins une dizaine de mètres. Au collège, où on recevait l'instruction religieuse, il avait les pantalons tout blancs. On avait bien ri. On se lugeait à cette époque, c'était notre passion parce qu'on ne connaissait pas encore le ski.»